« Je ne suis pas manipulable »

« Je ne suis pas manipulable »

« Je ne suis pas manipulable »

Hélène Joyeux, administratrice d’une école indépendante nous assure dans un article sur NDF qu’elle n’est pas « manipulable » en précisant : « Je soutiens les familles des victimes de Charlie Hebdo mais toutefois L’ÉMOTION N’AFFECTE PAS MA CAPACITÉ DE RÉFLEXION ! »

Je ne suis pas manipulable

Si vous croyez être dans le même cas, laissez-moi profiter de vos capacités de réflexion intactes.

D’accord, c’est bien connu, on manipule les gens par leurs émotions. En particulier la peur ! Mais pas seulement. Les optimistes identifient une cinquantaine d’émotions différentes, dont l’esthétique n’est pas la moins utilisée pour lobotomiser les foules. Mais tout compris, ça ne ferait qu’une cinquantaine de leviers.

Or il y a des pratiques de manipulations bien plus efficaces parce complètement inaperçues, sinon inimaginables, et avec des palettes considérablement plus fournies.

Un peu effrayant tout de même, et pourtant pas manipulable par définition…

Laissez-moi vous raconter une anecdote… Dans une « vie précédente » j’ai eu l’occasion de m’occuper d’un agrégé de philo pour lui faire suivre un cours quelconque. À la suite de ce cours il a déchiré ses diplômes et les a renvoyés à la Fac de Bordeaux avec un petit mot : « Vous avez bousillé ma jeunesse ! ».

Que s’était-il donc passé ? Eh bien cet agrégé, raisonnablement intelligent, avait eu l’occasion de découvrir que sa vaste culture philosophique reposait sur une incompréhension totale, car il restait au niveau des mots ! Il venait de mettre le doigt sur la différence entre « apprendre » et « comprendre » !

Intellectuel = manipulable par définition !

L’intelligence, qui a été redéfinie par les psychologues du siècle dernier, indiquait pourtant à l’origine la capacité de « lire en profondeur », « inter-legere », or malgré les apparences, ce qu’on appelle la culture n’est qu’une lecture superficielle, ce que les ordinateurs imitent fort bien et pratiquent bien mieux que nous à cause de leurs mémoires beaucoup plus fiables. Parler d’intelligence artificielle, c’est se référer à la nouvelle définition du mot, une capacité à combiner des données par raisonnements plus ou moins habiles, parce qu’un ordinateur ne COMPREND ABSOLUMENT RIEN : il enregistre et restitue en fonction d’un logiciel qui, lui, est élaboré par une conscience humaine, en plus ou moins bon état, mais capable de compréhension. Le génie apparent d’Internet ne vient pas de ce dont on l’a nourri, mais de la façon dont on a organisé sa nourriture puisque lui même ne sait pas ce qu’on lui raconte, ni ce qu’il nous raconte. La plupart de nos contemporains sont dans le même cas, ce qui ne les empêche pas d’avoir des discours articulés tout droit sortis de leurs lectures, ou retraités s’ils ont suivi des études au delà de la 3ème où on apprend précisément à « disserter » sur ce dont on n’a aucune idée. Toutes les références à Hollande et Valls sont parfaitement appropriées…

C’est ici qu’il est nécessaire d’en savoir un peu plus sur notre nature humaine. Et c’est pas vos profs qui vous en ont parlé ! Fondamentalement nous sommes des CONSCIENCES, et pour notre malheur, nous sommes équipés d’un mental (oubliez le cerveau cher aux neuropsys) où nous fourrons des souvenirs, des images, et toutes sortes de choses, y compris, ce que nous ne comprenons pas, en étiquetant ces incompréhensions comme : « quelque chose à élucider ». Chaque fois qu’on nous parle ou qu’on lit quelque chose concernant un truc qu’on n’a pas compris, le mental est réactivé parce que la conscience espère que les nouvelles données vont expliciter la confusion précédente. Or ce mental n’est qu’un ordinateur, il va mémoriser les nouvelles données sans plus les comprendre que la donnée de base, ce qui va accroître sa culture et amplifier sa confusion (sa bêtise) en même temps et celle de sa conscience, au lieu d’apporter le moindre éclaircissement. À cause de son abdication vis à vis de son devoir de compréhension, les mots mal compris que la conscience fourre dans son mental vont servir à réactiver automatiquement cette incompréhension, ce que la conscience interprète comme quelque chose qu’elle vient de comprendre maintenant puisqu’elle y répond en étant capable de « réfléchir » dessus, à cause des mots également incompris qu’elle y associe grâce à son mental.

Où est la logique dans tout ça ?

Nous sommes dans une civilisation qui se veut rationnelle ou rationaliste et nous croyons que le rationalisme utilise la logique, ce qui nous rassure.

Mais quelle logique ? On peut facilement concevoir que la logique permette de passer d’un principe ou d’une hypothèse à une conclusion, l’ennui, c’est qu’on fait le plus souvent le contraire : on se sert d’une observation pour en « déduire » la raison qui « expliquerait » l’observation. « Tiens le voisin a dû rentrer parce qu’il y a de la lumière… ». À moins que ce soit sa femme, ou, de nos jours, que ce soit sa domotique qui se réveille. Le mauvais exemple nous est donné par les scientifiques qui passent leur temps à « déduire des principes » de leurs constatations. Mon exemple préféré c’est la déduction que la lune attire les marées, en oubliant qu’il y a deux marées par jour, et apparemment, une seule lune. Mais il met les gens tellement en colère que j’évite d’en parler comme vous pouvez le voir !

L’impossibilité, ou la difficulté, de remonter aux causes à partir des effets, peut s’illustrer facilement. Posons que 2 est plus grand que 3, ce qui est faux, et aussi que 3 est plus grand que 1, ce qui est vrai. On peut en conclure 2>3>1 et cette conclusion est juste, alors que l’hypothèse était fausse. Autrement dit on peut parfaitement arriver à une conclusion juste, notre expérience, en lui attribuant des causes fausses.

Nous sommes tellement fiers de notre culture que nous n’avons rien vu passer. L’orgueil est la porte de l’Enfer !!! Mais cette « culture » nous manipule en se basant sur les mots dont elle nous submerge, sans qu’on ait pris le temps de les comprendre, ou que quelqu’un ait pris le temps de nous expliquer, à moins que ceux qui nous enseignent ne les aient pas compris eux-mêmes !

Vous n’y croyez pas ? Alors voyons ce qu’est la Liberté dont on parle beaucoup ces temps-ci, comme vous l’avez remarqué !

L’idée générale de la Liberté est issue de la privation des possibilités de bouger, et est donc de ne pas avoir de contraintes, au moins au niveau des mouvements ou des déplacements. Les vilains seront invités à expérimenter cette privation de liberté dans des cellules exiguës. Mais pour l’instant notre notion de la liberté ne concerne qu’un aspect physique ou matériel. Il va falloir l’étendre à tout ce qui pourrait nous contraindre pour en arriver à identifier la liberté avec l’absence de limites, ce qui l’identifie aussi à quelque chose d’Infini, une notion monopolisée par les matheux qui en ont inventé des kyrielles, en commençant par leur « infini dénombrable », qui ne « contient » que de nombres, ce qui les empêchent d’y mettre des mobylettes ou de capotes, ou n’importe quel autre de leurs infinis, et n’est donc pas vraiment illimité. Par exemple aucun des objets qui vous entourent n’est un nombre et « n’appartient » donc à leur « infini ». Quelque chose d’Infini ne pouvant pas avoir de limitation, il en est de même pour la Liberté.

Donc associer une épithète à l’un ou à l’autre est une absurdité. Un Infini numérique est une ânerie et une liberté associée (limitée) aux idées ou aux expressions n’a pas davantage de sens. Alors on peut discuter indéfiniment d’une liberté particulière puisque sa définition est à la base sujette à caution, et que tout va porter sur la façon dont on va limiter la liberté en question, un sujet dont on peut débattre justement « à l’infini » !

La source que devraient connaître ceux qui ne se croient pas manipulables

Le génie qui nous a polarisé sur le mot Liberté est un certain Amschel Bauer dont vous n’avez sûrement jamais entendu parler, mais qui savait qu’à son époque (donc avant la révolution française) les gens les plus brillants n’y comprenaient déjà (plus) rien et que, ne pouvant pas être d’accord entre eux, ce mot serait nécessairement une source de discorde voire de conflits violents. Un bon prophète !

Pendant qu’il y était le bel Amschel, a aussi prévu de nous faire cadeau de l’Égalité. Regardez bien : deux choses distinctes, donc différentes, ne serait-ce que par l’endroit où elles se trouvent, pourraient être égales, donc différentes mais les mêmes. Ici aussi les maths nous donnent le mauvais exemple. A=A se lit A égale A, sauf qu’il y a un A à gauche et un A à droite qui sont bien distincts. Ce qui devrait se lire « le A de gauche a la même valeur que le A de droite » et la valeur des deux A est donc la même, et elle est UNIQUE, une précaution que les matheux ne prennent jamais, persuadés qu’ils sont l’incarnation de la Logique elle-même. Amschel en profitait pour faire remarquer que l’Égalité et la Liberté étaient contradictoires, ce dont les génies de son époque ne s’apercevraient pas non plus. En effet l’Égalité nous contraint à être les mêmes qu’un autre, puis de tous les autres, alors que la liberté prétend nous libérer de toutes les contraintes. Au nom de l’Égalité, il va falloir choisir à qui on voudrait être égal. Mais ne vous inquiétez pas, que vous choisissiez François Hollande ou Martine Aubry, quand l’égalité sera réalisée, François et Martine seront les mêmes… et personne ne sera plus manipulable, parce qu’on sera tous manipulateurs.

Cerise sur le gâteux, Amschel nous invite à la Fraternité ! Ce qui impliquerait que nous ayons le même père ! Curieuse option pour des gens qui vont se libérer de la « contrainte obscurantiste de la Religion » !

Ces trois exemples devraient vous suffire pour comprendre comment les mots, déguisant des concepts mal examinés peuvent servir à nous manipuler, mais si, par hasard, vous n’y croyez pas encore, et que vous êtes sûr de comprendre tous les mots que vous utilisez, je vous propose de m’expliquer ce que veut dire le mot « UN » ! Je ne vous demande pas une définition, comme un dictionnaire pourrait vous la donner, mais de m’expliquer ce qu’est la chose définie, quelles sont ses limites (donc sa définition proprement dite), et en quoi elle se différencie du reste. Puisque les dictionnaires ont rarement cette rigueur, et pour cause. Vous y trouverez néanmoins que leur définition de « un » utilise plusieurs mots, dont vous devriez logiquement lire aussi les définitions, et ainsi de suite, c’est pourquoi je vous demande plutôt une explication en vous servant de mots que nous connaissons tous les deux ou d’expériences que nous pouvons faire.

Chaque mot mal compris agit comme un interrupteur et branche les confusions qui y sont associées. On a parlé de 50 émotions, mais combien y a-t-il de mots incompris dans un dictionnaire, dont chacun peut servir de bouton ? Et qui s’en est aperçu ?

On est donc libres d’être des frères égaux !

L’ironie de cette histoire c’est que c’est une administratrice d’école qui croit ne pas être manipulable grâce à sa capacité de réflexion, alors que l’école est la première source des instruments de manipulation (ce n’est pas pour rien que Jules Ferry voulait qu’elle soit « libre » (mais obligatoire, quand je vous disais qu’Amschel était un génie !) pour diffuser la « religion de la science » (encore que celle-là n’ait rien pour nous rendre frères)).

Amschel a présenté cette devise à ses copains qui conspiraient les révolutions européennes (C’est comme ça qu’on l’a su !). C’était le dernier complot puisque tous les suivants sont théoriques… Mais si vous n’avez jamais entendu parler de lui, sachez seulement qu’il fut le fondateur de la Maison Rothschild !

Donc arrêtez de rêver, tout le charabia politique est constitué de mots jamais examinés qui sont sûrs de provoquer des bagarres entre les partisans des différentes confusions qui y sont attachées. Car l’objectif fondamental d’un manipulateur n’est pas de convaincre au profit de telle ou telle idéologie, il laisse ça à des larbins, mais DE PROVOQUER DES CONFLITS pour occuper les idiots (utiles éventuellement) qu’ils ont fabriqués.

Et le moteur qu’ils utilisent est précisément la ratiocination (le raisonnement, la réflexion) qui va démarrer automatiquement dès qu’on utilise quelque chose que l’on ne comprend pas pour s’en donner une explication.

Les politiciens ne sont pas les seuls, on peut même penser aujourd’hui que la manipulation est un sport olympique, et les manipulables sont tellement noyés sous la manipulation que si on la leur retire, ils vont mourir asphyxiés. Et c’est pour ça qu’ils y tiennent, parce que sans elle, ils pensent qu’ils ne sont plus rien !

Un exemple récent : je suis Charlie !

La force du mot « Charlie » c’est que personne ne le lisait, donc c’est un mot incompris de 60 millions de manipulée potentiels moins les 40 lecteurs qu’il leur restait. Et que l’on soit Charlie ou pas, du moment qu’on choisit son camp, les manipulateurs ont gagné : ils ont donné un os à ronger à 60 millions de robots (d’ordinateurs humains).

Avec la « Liberté d’expression » le gag « Je suis Charlie » vous donnent deux exemples de ce qu’est un bouton pour les manipulateurs, et encore, je ne parle ici que de gens dont c’est la vocation. Quand les scientifiques vous parlent d’atomes en donnant ce nom à quelque chose qu’ils savent qu’on peut couper ou casser, ils vous manipulent sans en être conscients, puisqu’ils se sont manipulés eux-mêmes en choisissant un terme impropre à ce qu’ils veulent exprimer !

La célébrissime devise Liberté, Égalité, Fraternité n’est pas le seul cadeau des « Lumières » à être une contradiction. Un mot comme « démocratie », laissant à espérer que ce qui est gouverné est aussi ce qui gouverne est une absurdité déjà repérée par Platon qui y voyait le « dernier stade avant la tyrannie ». Mais à la suite de quelques décennies de pratique j’ai tendance à signaler à mon petit Grec que ce n’est pas le « dernier stade avant », c’est déjà la tyrannie à peine déguisée. En examinant un peu sérieusement les « valeurs républicaines et démocratiques » vous vous apercevrez peut-être qu’elles sont TOUTES des boutons pour vous manipuler, et si déjà ça peut vous servir à ne pas galoper derrière ceux qui s’en réclament, ce petit texte n’aura pas été inutile.

Je ne compte pas me lancer dans l’exercice, mais je tiens juste à vous prévenir que chercher à « corriger » ces boutons ne peut aboutir qu’à en fabriquer d’autres puisque votre réflexion se base sur une erreur ! Si c’est la logique dont vous cherchez à vous servir, partez plutôt de quelque chose de vrai, que je préfère vous laisser découvrir puisque ça serait inacceptable pour des gens héritiers de générations de manipulés depuis des siècles, et pas seulement de ceux qui nous séparent de la Révolution Française, mais vous devez rembobiner votre cassette de 25 siècles au moins !

Et un peu de pub ?

Si vous voulez en savoir plus, vous pouvez toujours feuilleter mon bouquin « Soyons logiques ! … nom de Dieu ! » ou ses versions électroniques, ne serait-ce que pour que vous soyez sûr de savoir de que « logique » veut dire, par exemple… Ça vous fera une surprise…

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